Quand un copropriétaire ne peut ou ne veut pas régler sa part de charges, le syndic doit très rapidement agir et obtenir le recouvrement des impayés. A défaut, les autres copropriétaires risquent d’en faire les frais.
Acheter un logement en copropriété (pour y habiter soi-même ou pour le louer) présente évidemment des avantages, comme de mutualiser certains services (entretien des extérieurs et/ou cages d’escaliers) ou espaces (travaux de toiture). Il est en effet moins onéreux d’être plusieurs à mettre la main au portefeuille pour rénover une toiture ou régler la facture d’un entretien de chaudière.
Faut-il cependant que ce que l’on nomme les charges soient honorées par chacun des copropriétaires. Il s’agit au demeurant d’une obligation : la philosophie veut que tous apportent leur quote-part au budget commun. Sachant évidemment que la quote-part est proportionnelle à la superficie du ou des lots de chaque copropriétaire. On ne paie pas les mêmes charges si l’on possède un simple studio voire un box de parking ou au contraire plusieurs appartements. Ces lots sont calculés en « millièmes » avec parfois des pondérations en fonction de l’étage : les frais relatifs aux ascenseurs peuvent être réduits si le logement est situé en rez-de-chaussée…
Autre conséquence de cette répartition : le droit de vote lors des assemblées générales de la copropriété est régi par cette même proportionnalité. Au moment de voter une décision, le propriétaire de plusieurs appartements « pèse » davantage que le propriétaire d’un modeste studio…
En résumé, lors de l’établissement du budget annuel, les charges à régler permettent de couvrir trois types de dépenses.
Un : les frais relatifs à la conservation et au bon entretien des parties communes de l’immeuble. On parlera de dépenses ordinaires.
Deux : les frais d’administration. Ils comprennent les dépenses relatives à la gestion de la copropriété par un syndic, que celle-ci soit ou non confiée à un prestataire extérieur.
Trois : les frais exceptionnels. Il s’agit des dépenses liées à des travaux importants dont le principe a fait l’objet d’un vote unanime : ce peut être le cas d’une rénovation ou d’un embellissement de la façade.
Dans un monde idéal, chacun paie ce qu’il doit en temps et en heure. Dans la réalité, plus il y a de copropriétaires, plus il y a de risques que l’un d’eux soit défaillant. Ou même plusieurs.
Un scénario catastrophe
Dans le meilleur des cas, le copropriétaire défaillant aura été négligent, ou absent pendant un certain temps. Il y a de bonnes raisons de croire alors qu’un rappel sera suffisant pour que la dette soit honorée. Mais les choses se compliquent évidemment quand le syndic chargé de veiller au règlement des charges (c’est-à-dire au bon équilibre des comptes) doit composer avec un copropriétaire faisant manifestement preuve de mauvaise volonté (exprimant ainsi son désaccord avec telle ou telle décision prise en assemblée ou sa mauvaise humeur en raison d’un conflit de voisinage) ou réellement confronté à des difficultés financières.
Dans tous les cas, les conséquences peuvent s’avérer gravissimes pour la copropriété. Une trésorerie négative en raison de charges non versées peut entraîner le non-paiement des factures d’eau ou d’électricité, l’impossibilité de verser leurs salaires aux employés directs (concierge, gardien, femme de ménage) de l’immeuble ou aux sociétés prestataires de services (maintenance des ascenseurs et du système de chauffage, entretien des espaces verts). Et au bout du compte, la copropriété peut parfois devenir insalubre, et le syndic ne plus être à même d’accomplir sa mission.
Vous êtes copropriétaire ? Voilà pourquoi non seulement vous devez évidemment régler vos charges, donc votre quote-part au budget commun, mais aussi pourquoi il est bon de surveiller via les procès-verbaux et les copies des comptes reçus par le syndic que tout un chacun fait de même. Il ne s’agit pas de pratiquer la délation, mais si vous repérez un copropriétaire défaillant, demandez au syndic des explications. Il est légitime de redouter que votre immeuble se transforme à terme en « bateau ivre » et que votre belle histoire vire au scénario catastrophe.
Éviter la politique de l’autruche
Comment le syndic doit-il réagir quand il constate un impayé ?
La logique est d’abord de procéder à une analyse de la situation. Il existe en effet différents types de mauvais payeurs (ou « débiteurs »).
Le copropriétaire défaillant peut en effet avoir été victime de ce que l’on appelle pudiquement un accident de la vie (difficultés professionnelles pouvant aller jusqu’à la perte de son emploi, procédure de divorce, problèmes de santé avec ou non une période d’hospitalisation). Il peut s’agir également de quelqu’un de bonne foi, mais se retrouvant en situation d’endettement et déjà confronté à des difficultés pour rembourser son crédit ayant permis l’acquisition du logement faisant partie de la copropriété.
Autre aspect à prendre en compte par le syndic, le caractère ponctuel ou chronique des impayés. On fera la distinction ainsi entre les débiteurs « relançables », qui pourront donc aisément régler leur dette après un simple rappel (lettre de relance) ou ceux qui sont déjà en grande difficulté et ont demandé une dérogation (un délai de paiement par exemple, ou un étalement de leur dette). Sans compter les copropriétaires qui font délibérément la sourde oreille.
Sans se muer en psychologue, le syndic adoptera sa réaction et la procédure en fonction de ce qu’il aura appris de la situation.
Il y a toutefois une règle invariable : tout vaut mieux que la politique de l’autruche. Plus l’action engagée est rapide, moins la copropriété risque de souffrir et de payer les conséquences... de ces mauvais paiements !
La loi est du reste très claire sur le sujet. Le syndic est dans l’obligation de procéder aux recouvrements. Et il est ainsi tenu d’user de tous les moyens de droit pour y parvenir : à défaut, il engage sa propre responsabilité juridique… et financière.
Un arsenal qui peut faire mal…
Fort heureusement, le syndic dispose d’une large panoplie d’outils et procédures pour agir, sans attendre, dès qu’une situation d’impayé est constatée. Il les adoptera et adaptera aux circonstances et aux constatations faites après analyse de la situation et selon le profil du débiteur.
Ces mesures sont graduelles, comme tout conflit en général et contentieux financier en particulier.
Tenter de résoudre le problème à l’amiable. Après une première relance et la plupart du temps un entretien « en tête à tête » avec le débiteur défaillant, a fortiori si l’on a toutes raisons de penser qu’il est de bonne foi, soit le règlement se fait rapidement, soit l’on propose d’étaler la dette dans le temps (quand par exemple l’intéressé a effectivement fait face à un imprévu lié à sa situation professionnelle).
Procéder à une mise en demeure. L’étape suivante consiste à effectuer une mise en demeure de paiement (c’est la dénomination légale) via une lettre avec accusé de réception. Le copropriétaire se voit alors accorder un délai de 30 jours pour payer ses charges, avec des intérêts de retard.
User d’une dernière sommation. En cas d’absence de règlement dans les délais impartis, le syndic doit envoyer une ultime lettre de rappel. Appelons cela une dernière chance, une dernière sommation avant que la procédure ne prenne un tour juridique.
Saisir la justice. Rien n’y fait ? Alors cette fois, plus moyen d’y couper. Le syndic est contraint d’initier une action en justice. Et il n’a pas besoin d’ailleurs pour le faire d’une autorisation préalable de l’assemblée générale ou du conseil syndical. Cela figure pleinement dans ses prérogatives. On appelle cela une assignation en paiement du copropriétaire défaillant devant le tribunal. Pour les créances inférieures à 10 000 euros, c’est le juge de paix qui est compétent. Pour des créances d’un montant supérieur, il s’agit du tribunal d’arrondissement. Bien évidemment, tous les frais de procédure sont à la charge du débiteur…
Saisir… les loyers ! On n’oubliera pas une alternative qui semble d’autant plus efficace que comme le dit la sagesse populaire, frapper les gens au portefeuille permet souvent de gagner du temps ! Quand le copropriétaire défaillant n’habite pas le logement, mais qu’il l’a mis en location, le syndic est parfaitement habilité à pratiquer ou faire pratiquer une saisie sur les loyers.
Ou saisir les biens… Reste hélas que dans certains cas, l’ensemble de ces moyens d’action peut s’avérer inefficace. Même condamné par le tribunal, le mauvais payeur peut continuer à faire la sourde oreille. Dans ce cas, un huissier de justice peut être mandaté par le syndic pour procéder à une saisie des biens du copropriétaire défaillant afin de pourvoir au règlement rapide de la dette.
Si ce n’est pas lui, c’est vous !
Vous hésitez encore à alerter votre syndic ? N’ayez pas de scrupule ! Il faut savoir en effet que quand la trésorerie finit par pâtir de charges impayées, le syndic n’est pas habilité à consentir des avances au syndicat (à la copropriété, donc).
En revanche, il sera dans l’obligation de convoquer une assemblée générale pour qu’elle l’autorise à émettre des appels de fonds complémentaires pour suppléer les carences et ainsi permettre à la copropriété de bien fonctionner au quotidien. Autrement dit, vous allez devoir payer à la place des mauvais payeurs pour continuer à avoir de l’eau au robinet ou à monter dans l’ascenseur en toute sécurité ! Et vous ne récupérerez ces sommes qu’au terme des procédures engagées devant la justice. Ce qui peut prendre plusieurs années.
Ainsi le veut la loi.
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